Père, je ne fuirai pas!
- Hakim7
- 29 nov. 2018
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Cher père,
Cela fait quelques jours déjà que j’ai reçu ta lettre, c’est également avec amertume que je constate la situation que je (la jeunesse) vis et que tu as su si bien décrire.
Je suis dans la vingtaine père, cette tranche d’âge où l’on se doit de rêver (même s’il nous est difficile d’arriver à dormir), de se battre pour ses rêves, cette tranche d’âge où il nous est encore possible de nous révolter, de sonner le glas de tous les systèmes rétrogrades, impériales et arbitraires qui nous empêche justement d’arriver à dormir, d’arriver à avoir de grands rêves, d’arriver à trouver la force, la hargne et surtout la persévérance qu’il nous faut pour continuer le combat pour le bien-être de la majorité, le combat pour la vérité, le combat pour la rectitude dans les actes, le combat que nous menons malgré toutes les vicissitudes de la vie, de cette vie, mais que dis-je, de cette mort à petit feu que nous sommes forcé de vivre, ce combat dans lequel j’ai cru et dans lequel je crois encore, ce combat : Le seul ayant lieu d’être !
Cher père, je sais aussi que cette tranche d’âge est celui des chimères, de l’insouciance, de la naïveté et de la passivité mais je peux te garantir que le peuple haïtien, notre très chère Haïti mérite amplement qu’on se batte pour elle, elle mérite qu’on tombe et qu’on se relève pour continuer cette lutte acharnée qui semble sans fin, notre chère Haïti mérite bien une jeunesse consciente et éclairée à la hauteur de son histoire, des braves hommes et femmes ayant foulé cette terre, notre cher pays mérite cette jeunesse avec les yeux bien ouverts qui a pris la décision de ne plus se morfondre dans un coin en regardant son avenir partir en fumée mais, veut s’ériger et qui de fait s’érige en avant-gardiste, en éclaireur, en rebelle, en combattant, pour demander la reddition des comptes au corrupteurs et corrompus(Kot kòb Petrocaribe a ak tout lòt kòb ki pase nan gaspiyaj nan peyi a ?) qui veut en finir avec la patrie commune, qui veut qu’un exemple soit tracé, que justice soit faite pour que demain ne soit pas comme aujourd’hui, pour que demain, mon fils n’ait pas à écrire une lettre similaire à la tienne à son fils.
Cette jeunesse, qui veut se tenir droit, qui veut regarder le soleil dans les yeux et lui montrer, qu’elle aussi a le droit de rayonner, qu’elle aussi veut briller, peut briller et comme de fait finira par briller.
Cher père, il est bien vrai que beaucoup de générations ont chamboulé les travaux de leurs prédécesseurs, il est en effet une vérité que la génération de 1986 a galvaudé, torpiller sinon saboter la lutte pour le renouveau du peuple, le vrai peuple, celui du dedans, celui du pays en dehors et de ces zones environnantes mais il est également une vérité indélébile qui reste et demeure : NOUS TOUS PASSONS, MAIS LE PAYS EST IMMORTEL ! LES JEUNES D’AGES ET D’ESPRITS CONTINUERONT LE COMBAT ET LA GENERATION DE 90 VEUT, PEUT ECRIRE ET DE FAIT ECRIRA DE BELLES PAGES D’HISTOIRE POUR CE PAYS ET POUR CE PEUPLE !
Cher père, je pense que cet haïtien, qui aujourd’hui est devenu un loup pour son prochain, ne l’est pas devenu du jour au lendemain ou en un clin d’œil ; ce résultat pour le moins monstrueux est l’aboutissement (incomplet) d’un processus de pressoir et de défrichage de l’homme haïtien qui est confronté à une réalité crue, violente, sauvage dans la mesure où il assiste et enregistre en tant que spectateur mais aussi et surtout en tant qu’acteur latent (mais acteur quand même) depuis son tout jeune âge à un ensemble de comportement totalitaire, injuste, inégalitaire et népotique d’une société hypocrite qui prend naissance dans sa maison même, avec ses parents comme premiers corrompus et corrupteurs, ceux-là même qui loin de lui inculquer les valeurs morales, les conduites de droiture et de rectitude, la recherche de la réussite par le travail acharné et assidu, le gout du beau et du bien, mais au contraire, lui enseigne par leurs agissements, l’avarice, l’appât du gain, la malhonnêteté, la gourmandise, la cupidité, l’égoïsme qui tous nous amène à petit pas à la corruption générale et généralisée.
Père, cet haïtien devenu loup n’en est pas vraiment un, il est né agneau pourtant mais cette société inégale et illégale lui a fait pousser des cornes pour pouvoir faire ce que l’homme fait depuis qu’il est né et ceci depuis des milliers d’années : SURVIVRE.
Père, permets moi de te dire que tout n’est pas perdu car il reste encore une génération consciente qui conscientise, des jeunes hommes et femmes d’âges et d’esprits qui refuse l’inacceptable et qui invente un nouvel avenir où l’homme haïtien en plus d’incarner un être souverain, libre et total, sera respectable et respecté.
Cher père, l’avenir triste que nous présage les pages rougies par le sang de nos frères et noircis par les pneus enflammés de notre histoire n’est pas, heureusement, la seule issue ; car même si le crayon de l’histoire est sans gomme, il nous reste, nous, jeunesse consciente et éclairée, beaucoup de pages vierges à remplir de bonnes et de belles choses et nous avons pris la ferme mais combien intelligente et cruciale décision de ne plus laisser le soin aux autres de nous écrire notre histoire mais de tenir fermement ce crayon (de l’histoire) pour (ré)inventer un demain étincelant et splendide.
Cher père, pour une fois, je me vois dans l’obligation de refuser ton conseil, je ne fuirai pas ! Tu n’as pas élevé un lâche ou encore un vulgaire pleutre. Si je fuis Haïti, ma mère, comment vais-je vivre avec cette part d’elle qui est et sera toujours en moi ? Et ceux et celles qui ne peuvent et ne pourront jamais fuir et qui en plus, compte sur moi, sur ceux de ma génération, qu’adviendra-t-il d’eux ? Le « chacun pour soi, Dieu pour tous » a fait son temps, père, maintenant, il est l’heure de se serrer les coudes, de marcher main dans la main avec les camarades qui veulent marcher et se diriger dans la même direction que nous. Pour cet enfant toujours en aillons que je rencontre en sortant chaque matin, pour cette jeune fille qui se vend au meilleur offrant que je rencontre en rentrant chaque soir, ces vieillards qui mendient leur pain quotidien, ces milliers de jeunes instrumentalisés, ces jeunes qui ont terminé leurs études classiques mais n’arrivent pas à trouver des opportunités viables sans perdre leur dignité, pour eux, père, je ne fuirai pas !
Ces politicards pilleurs, ces corrompus et corrupteurs, cette bourgeoisie opportuniste et malpropre, je la combattrai, nous les combattrons, chacun avec ses armes !! Mais jamais plus, la jeunesse ne fuira car Haïti, cette terre de délices, de régal et de félicité ne saurait être maudite, ce ne sont que les homo-porcins corrompus qui sont maudits et ce sont eux qui doivent fuir, pas nous, pas moi.
Cher père, je me refuse de croire et comme de fait je ne crois pas que le soldat inflexible, impavide et qui toujours réponds présent à ses obligations ; celui-là même qui m’a élevé puisse un jour rendre les armes, n’oublie pas cher père que tu m’as appris qu’un soldat meurs les armes à la main et que ce sont les froussards et les poltrons qui fuient, alors, dans ce cas je considère ta lettre comme une passation de flambeau. Je continuerai le combat car c’est le bon.
Cher père, ne crois pas que je veuille te remplacer, je ne ferai que perpétuer ton œuvre, celui de toute une vie de luttes, de privations, de combat, Tes conseils positifs pour le dénouement victorieux de ce combat seront toujours les bienvenus.
Ton fiston qui t’aime

Hakim7
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