L’amour de la vie dans la mentalité haïtienne
- Hakim7
- 13 nov. 2018
- 6 min de lecture

La psychologie n’étant pas une science exacte comme le sont les mathématiques et autres sciences « dures », des considérations relatives à son objet d’étude (l’homme) se doivent d’être faites.
L’homme haïtien, un être ambivalent, perplexe et surtout insaisissable dans sa nature profonde est un exemple parfait qui confirme cette marge d’incertitude que se doivent de laisser tout chercheur ou professionnel en sciences humaines aussi amoureux de la véridicité et de la méticulosité qu’il soit.
Pour essayer de décanter ave le plus de clarté possible, les facettes de l’amour de la vie dans la mentalité haïtienne, il convient de savoir même non exhaustivement quelques traits importants qui caractérisent l’haïtien dans son unicité, dans sa particularité comme peuple.
C’est quoi, « être haïtien » ?
S’il est difficile de camper le prototype idéal et parfait de l’homme haïtien dans sa nature profonde, il n’est pas sans intérêt de noter que certains traits caractéristiques, certains comportements reviennent souvent et nous serons utiles dans la tâche scabreuse et complexe qu’est l’esquisse de l’être haïtien.
[1]L’homme haïtien est un être fier, plein de superbe. Vertical. Qui n'a jamais rendez-vous avec la défaite. Dans son parler, on entend ou on surprend des mots et expressions tels que «Kanpe Kin» et «djanm». Effectivement, la verticalité est son fort, la fermeté fait corps avec lui. Puisons dans le football qui est un jeu où l'on gagne et où l'on perd. C'est ainsi. Lui est un fan de l'équipe arc-en-ciel, les buts à ramasser c'est pour l'adversaire. La virginité des filets de l'équipe qu'il supporte tient de la sacralité. Il a toujours rendez-vous avec la victoire. La faillibilité, il ne connaît pas. La chute, encore moins. Quand sur son chemin il butte, il se reçoit sur le sol. Malgré tout, il laisse entendre qu'il a failli tomber.
[2]Autre observation sociétale : la méfiance. Dans son environnement, pullulent les mauvais coucheurs, les «rouleurs» et les «pas sérieux». Sur un ton amusé, l'un lâchera à l'autre : «Se wi ak non li pa genyen». Ou «Bonjou l pa laverite». Effectivement, il y a une attente de vérité dans le milieu. Une attente de transparence chez l'autre. L'individu «foub» est mal coté. On veut côtoyer des gens qui n'ont pas un anneau chez l'orfèvre. Mais cette pureté est une quête indéfinie, inépuisable. Paradoxalement, la même personne qui attend la vertu de l'autre ne pratique pas toujours la vérité. Si vous voulez chercher des ennuis, parlez le langage de la vérité. C'est ce que j'identifiais comme le refus de l'évidence. «Dites-moi tout sauf la vérité», est une expression qui peut s'appliquer à lui. Cette bizarrerie tient au fait qu'il tient à brouiller les pistes, à déplacer les points de repère. L'individu veut échapper à tout prix au jugement, comme Albert Camus en faisait le constat dans le récit «La chute». Il ne se livre jamais à une introspection. De plus, j'ai identifié dans la société la tendance à la fabrique des dictateurs comme un romancier titrait une œuvre : «La fabrique des officiers». L'histoire racontée se déroulait dans l'Allemagne nazie. Eh oui! La famille haïtienne est l'usine dans laquelle sortent les dictateurs. En série. L'autoritarisme, la non-recherche du consensus, l'indifférence au compromis et l'imposition sont les traits distinctifs de ce travers. Ce n'est pas anodin que le débat ne soit pas pratiqué dans les rapports quotidiens. A la barre, les avocats (les plaideurs) expriment leurs points de vue contradictoires. Au Parlement, la contradiction est de mise dans les prises de parole. Cela s'arrête là. A l'Église, le débat est inconnu. A l'école, il n'y a pas de débat, et l'on s'étonne qu'à la tenue d'une conférence, l'assistance réagisse moindrement et mollement. C'est le règne de la pensée unique. Quand, dans une assemblée, une réunion (de travail, d'alumni), une opinion est exprimée, on en tient rarement compte. Le meneur ou le leader était venu avec une idée fixe, il ne croit pas opportun de l'infléchir. Cet assouplissement aurait fait mentir ceux qui nous observent et croient avec raison que l'accord (même imparfait) est rarement trouvé chez nous. La chronique m'aura fourni des occasions de relayer l'identification du rapport à la violence qui est la préférence pour le bellicisme. Un cousin relevait que nous sommes un peuple guerrier. Curieusement, nous n'avons jamais fait la guerre. Effectivement, sous les boulets et la mitraille, l'indépendance a été acquise. Mais cela remonte à fort longtemps. Alors, comment expliquer ce constat? En réalité, dans nos pratiques on identifie le tempérament guerrier. Quand un Haïtien lance : «Mwen pral pou li!» (Je m'en vais lui régler son compte!), c'est manifestement une déclaration de guerre. Ou «Map regle l!», ou encore : «Map fini avèk li!», le bellicisme est là. Une autre apostrophe : «Mwen pa vle wè l!». Là, c'est l'aveu de la haine, mais on n'est pas loin de la violence. A propos de la violence verbale, certains en sont coutumiers. Bien sûr, depuis quelques années, à la faveur d'une conjoncture politique le mot a été passé : «Poze». Cette invitation au calme, à l'apaisement devrait être réitérée à longueur de journée dans les médias. Pour bien apprendre la leçon. Donc un exercice de pédagogie
Cette représentation sommaire de l’être haïtien placé dans les meilleures conditions est loin d’être un cadre de référence, toutefois, elle va nous servir dans notre travail pour essayer de comprendre le sens qu’à l’amour de la vie dans la mentalité haïtienne.
Quelques bons côtés
Parce qu’il tient à la vie et qu’il la considère sacrée dans son essence mais aussi que la vie pour lui est un cadeau de Dieu, l’homme haïtien le vit quotidiennement, même s’il est en difficulté, que la misère lui joue des tours, cet amour de la vie, développe en lui un autre sentiment fort : L’espoir.
Des proverbes comme: « Depi gen lavi gen lespwa, Bondye pa janm bay pèn san sekou, Depi tèt pa koupe n ap espere met chapo,Depi w pa mouri se sa k konte » jalonnent tout le parcours de son existence et lui sert d’ancrage pour affronter les situations les plus désagréables, il les sculptent, les dessinent, les met sur les tap-taps et autres, comme pour se rappeler qu’il est condamné à vivre malgré les vicissitudes de la vie car : « Bondye bon, Byen mal pa lanmò, Espwa fè viv » et surtout « Nan pwen lapriyè ki pa gen amèn ».
Cet amour de la vie qui dans un premier temps à développer cet espoir chez ce dernier, développe aussi une capacité de résistance extraordinaire chez ce dernier qui ne capitule presque jamais, il trouve toujours un moyen pour vivre, pour survivre malgré le malheur qui s’abat sur lui, malgré les prédictions de désastre. Une anecdote met parfaitement en exergue cette attitude : Un adolescent se trouve en situation de grossesse prématurée, après les remontrances de son parent, après les humiliations essuyées et autres, ces mêmes parents finiront par lui dire : « Depi l fèt l ap viv »
Cette résistance, cet espoir et cet amour de la vie forge l’haïtien de manière à ce qu’il puisse s’acclimater et donc s’adapter au pire qui puisse l’arriver.
Quelques mauvais cotés
Cette obstination, cet acharnement qu’il a pour survivre, fait apparaitre en lui une faiblesse : La résignation.
Ce fatalisme est bien mis en exergue dans nombres de ces proverbes, comme : Bondye bon, Bouche nen-w pou bwè dlo santi, Lè-w mouri, ou pa pè santi, Nan mal, nan mal nèt, Sa-k fèt fèt.
A force d’endurer, d’accepter l’inacceptable, il accepte les choses sans rien faire, sans protester, sans lever le petit doigt.
C’est que j’appelle Une passivité coupable.
Mieux vaut être mal en point, en piteux état, que d’etre absent, « Pito n lèd nou la »
Tout compte fait, des précédentes expositions et analyses de ces différents traits chez l’être haïtien, il ressort que certains comportements, schèmes mentaux qui caractérisent cette ambivalence, ce sentiment de contradiction, cette ambigüité à la fois subtile et maladroite, trouvent leur racines dans l’esclavage, cet acte condamnable qui marque encore le psychè haïtien comme on marquait d’un fer bouillant la chair de ses ancêtres.
Somme toute, il n’est pas inutile de noter que cette caractéristique amphibologique n’est pas irrémédiable ni définitif car l’homme est un être en perpétuelle évolution et l’être haïtien n’en est pas une exception.
L’haïtien peut dépasser son handicap avec une meilleure connaissance de soi, de toute façon : « Konesans se richès » et surtout une confiance en l’avenir car : Depi tèt pa koupe nou ka espere met chapo ».
Hakim7
Références bibliographiques
· G.Joint (2016-2017), Psychologie de l’haïtien (Notes de cours à l’usage des étudiants)
· Jean-Price Mars, (1954), Ainsi parla l'oncle (essai d'ethnographie)[2]. Compiègne (France) : Imprimerie de Compiègne, 1928[3].
· http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/122875/Des-traits-comportementaux-chez-lhomme-haitien
[1]http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/122875/Des-traits-comportementaux-chez-lhomme-haitien#sthash.sYAsMhqR.dpuf
[2] ibid
Comments